Le PET recyclé est-il sûr pour le contact avec les aliments ?

Le PET recyclé est-il sûr pour le contact avec les aliments ?

| Auteur: Patrick Semadeni

En décembre, la Commission européenne a présenté un règlement succédant à l'actuel règlement (CE) 282/2008 concernant les matériaux et objets en plastique recyclé destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Sous le règlement en vigueur jusqu'à présent, aucun procédé de recyclage n'avait été approuvé par la Commission, y compris pour le PET. Pourquoi est-ce ainsi ? Quelle est le niveau de sécurité du PET recyclé au contact des aliments ?

Le PET recyclé fait partie de notre quotidien depuis des années.

Nous utilisons par exemple des bouteilles d'eau minérale et d'autres bouteilles de boissons en PET recyclé depuis des années. En l'absence d'autorisation européenne, l'homologation revient aux autorités nationales. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a classé comme sûrs plus de 200 procédés de recyclage des matières plastiques, la plupart pour le PET. Cependant, aucune autorisation formelle n'a encore été accordée par la Commission, comme le prévoit le règlement (CE) 282/2008.

Comment l'EFSA évalue-t-elle la sécurité des processus de recyclage du PET ?

En 2011, l'EFSA a publié la procédure et les critères d'évaluation de la sécurité des bouteilles en PET.1 Cette évaluation repose sur trois piliers :

  1. Concentration de substances de Post Consumer Recycling (PCR) :
    L'EFSA estime que la contamination par les substances PCR dans les flocons lavés (après le tri, les bouteilles livrées au recyclage sont broyées en flocons, lavées et séchées) est de 3 mg/kg.2
     
  2. Efficacité de nettoyage du processus de recyclage ;
    L'élément central de l'évaluation de la sécurité est la détermination de l'efficacité de nettoyage effective du processus de recyclage.

    Pour ce faire, les flocons sont contaminés par des substituts censés simuler des substances PCR. Ces substituts sont par exemple le toluène, le chlorobenzène, la benzophénone ou le stéarate de méthyle. Les substituts doivent reproduire différentes masses molaires et polarités, telles qu'elles peuvent apparaître dans les substances PCR. 

    Ensuite, ces flocons sont soumis au processus de purification et la réduction de la contamination par les substituts est indiquée en pourcentage. Voici une illustration tirée d'une évaluation de sécurité de l'EFSA :3
  3. l'exposition des consommateurs à d'éventuelles substances PCR.
    Au moyen d'une modélisation, l'EFSA détermine pour les substituts la quantité admissible de substance qui peut encore se trouver dans les flocons de PET après le processus de purification sans que cela ne représente un danger pour les consommateurs.

    La contamination autorisée modélisée par les substituts dans les flocons de PET (Cmod) ensuite comparée à la concentration calculée après le processus de recyclage (Cres), sur la base de l'efficacité du processus de nettoyage. 

    La concentration résiduelle d'un substitut dans les flocons de PET après le processus de nettoyage doit être inférieure à la concentration calculée et modélisée autorisée. Le processus de recyclage est alors considéré comme sûr. Voici un exemple d’un processus sûr4 :

    En vertu du principe de précaution, l'EFSA considère les substances PCR comme potentiellement génotoxiques. Le concept TTC (Threshold of Toxicological Concern) prévoit une limite d'absorption maximale de 0,0025 µg/kg de poids corporel et par jour pour ces substances5

    Dans le scénario d'exposition sous-jacent, l'EFSA se base sur le groupe le plus vulnérable, les enfants en bas âge6, à moins qu'il n'existe une restriction d'utilisation interdisant la distribution d'un aliment donné aux enfants. Les hypothèses correspondantes sont prises en compte dans la modélisation de la concentration maximale autorisée des substituts dans les flocons de PET après le processus de nettoyage.

L'EFSA est-elle trop conservatrice dans son évaluation ?

Dans un article publié récemment7, les scientifiques Roland Franz et Frank Welle se montrent critiques à l'égard de la méthodologie de l'EFSA. Tout cela en sachant qu'environ 20 % du plastique est utilisé pour les emballages alimentaires et que son recyclage est indispensable pour parvenir à une économie circulaire.

Franz et Welle constatent en particulier ce qui suit :

  • Comme décrit plus haut, l'EFSA part du principe que les flocons de PET destinés au recyclage sont contaminés par 3 mg/kg de substances PCR. Ces valeurs proviennent d'une étude réalisée il y a plus de 20 ans. Franz et Welle supposent qu'en raison des changements survenus sur le marché, le nombre de bouteilles PET mal utilisées a diminué et que la contamination initiale des flocons devrait donc être plus faible.
     
  • L'hypothèse selon laquelle toutes les substances PCR ont un effet génotoxique doit être remise en question. L'EFSA écrit elle-même dans son avis scientifique de 20111 que les substances génotoxiques ne peuvent pas être utilisées dans l'UE pour les produits de consommation et que la contamination des bouteilles PET par ces substances ne se produira que sporadiquement, si elles ont même lieu. Et même si des structures potentiellement génotoxiques sont présentes dans les substances, elles réagissent au cours du processus de recyclage pendant l'exposition thermique, ce qui réduit encore leur concentration, indique l'EFSA. Franz et Welle n'ont en tout cas trouvé aucune publication attestant la présence de substances génotoxiques dans les flocons de PET au-dessus de la limite de détection de 0,1 mg/kg pour les substances volatiles et de 0,5 mg/kg pour les substances non volatiles.8
     
  • Selon Franz et Welle, les scénarios d'exposition ne sont pas réalistes. Pour l'eau minérale, par exemple, l'EFSA part du principe que la totalité de la quantité consommée par jour est prélevée dans des bouteilles 100 % recyclées qui ont en plus une année de stockage derrière elles.
     
  • Enfin, pour calculer la migration, l'EFSA utilise des modèles qui indiquent des valeurs trop élevées, alors qu'il existe des modèles plus réalistes. L'EFSA en est consciente et corrige les valeurs de migration pour les processus de recyclage du PET d'un facteur cinq. Cette correction est toutefois appliquée globalement à toutes les substances, qu'elles soient de haut ou de bas poids moléculaire. Franz et Welle estiment qu'avec un poids moléculaire de 300 g*mol-1, le modèle actuellement utilisé par l'EFSA surestime la migration d'un facteur 350. Le graphique ci-dessous compare la migration calculée selon le modèle actuellement utilisé par l'EFSA (« Piringer ») et le modèle de Welle :9



    Dans une étude précédente9, Franz et Welle n'ont trouvé dans le PET que des substances dont la masse molaire est d'environ 200 g*mol-1. Les molécules de plus grande taille ne peuvent donc pas ou peu pénétrer dans la matrice PET. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si l'utilisation de stéarate de méthyle avec une masse molaire de 298,51 g*mol-1 est réaliste. De plus, l'EFSA ne différencie pas les masses molaires des substituts lors de la contamination initiale, malgré la différence de diffusivité. Ainsi, la contamination initiale par le toluène volatile, avec une masse molaire de 92,14 g*mol-1, est évaluée au même niveau que les substituts de poids moléculaire plus élevé, bien qu'il existe des différences dans la capacité à pénétrer dans le PET, toujours de 3 mg/kg.

Conclusion : conjuguer le principe de précaution et l'approche des risques

Nous ne pouvons pas éviter de nous pencher sur la question du risque résiduel acceptable, même si nous aimerions l'éviter. Avec une approche purement Hazard-based (polluant=danger potentiel), nous ne serons pas en mesure de parvenir à une économie circulaire, non seulement pour le plastique, mais aussi pour d'autres matériaux.

Il reste donc une approche Risk-based : polluant + exposition = danger. Il faudra ici refléter au mieux la réalité et prévoir une marge de sécurité suffisante pour satisfaire le principe de précaution.

Plus nous en saurons sur la présence de substances PCR et sur leur potentiel toxicologique, plus nous nous rapprocherons de cet objectif et plus nous pourrons définir précisément la marge de sécurité nécessaire.

La méthodologie actuelle de l'EFSA semble offrir un niveau de sécurité très élevé en se basant sur les scénarios les plus pessimistes en matière de concentration, de génotoxicité et d'exposition. Les hypothèses offrent ainsi des marges de sécurité très élevées.

On peut donc partir du principe que les systèmes de recyclage du PET considérés comme sûrs par l'EFSA le sont également.

Il est important d'améliorer les connaissances sur les polluants présents et leurs dommages potentiels afin de pouvoir procéder à des évaluations pertinentes basées sur les risques.

 

1EFSA, scientific opinion on the criteria to be used for safety evaluation of a mechanical recycling process to produce recycled PET intendet for manufacture of materials and articles in contact with food, EFSA Journal 2011 ;9(7) :2184

2L'hypothèse selon laquelle la contamination par des substances PCR s'élève à 3 mg/kg de flocons de PET se base sur le projet européen FAIR-CT98-4318. Des bouteilles collectées dans 12 pays européens ont été analysées dans le cadre de ce projet. Dans certains cas, des bouteilles utilisées à d'autres fins (c'est-à-dire non pas pour des aliments, mais pour le stockage de produits chimiques) ont été trouvées. Ces bouteilles présentaient une contamination au toluène et au xylène allant jusqu'à un maximum de 6750 mg/kg. Au total, 3 bouteilles de ce type ont été trouvées sur un volume total de collecte compris entre 7 000 et 10 000 bouteilles. Cela correspond à une incidence de 0,03 % - 0,04 %. Par rapport à la valeur de contamination maximale trouvée de 6750 mg/kg, l'incidence ci-dessus donne une contamination de 2,7 mg/kg, que l'EFSA arrondit à 3 mg/kg.

3EFSA, scientific opinion of the process Suplet Plasticos, EFSA Journal 2021 ;19(10).6867

4EFSA, Safety Assessment of the process POLY RECYCING ET DIRECT IV+…, EFSA Journal 2019 ;17(10) :5865

5EFSA, Guidance on the use of the Threshold of Toxicological Concern approach in food safety assessment, EFSA Journal 2019 ;17(6) :5708

6Exemple de l'eau minérale : pour un poids corporel de 5 kg pour les enfants en bas âge, la quantité d'eau minérale consommée est fixée à 0,75 litre par jour par l'EFSA. De plus, on suppose que l'eau provient de bouteilles en PET 100 % recyclées, qui ont été stockées pendant 365 jours à 25 °C. Cela signifie qu'une substance PCR (ou un substitut) ne doit pas migrer en quantité supérieure à 0,017 µg/kg, afin de ne pas mettre en danger les jeunes enfants. Cette valeur est calculée à partir de la limite d'absorption maximale autorisée pour les substances potentiellement génotoxiques, soit 0,0025 µg par kg de poids corporel et par jour. Pour un poids de 5 kg, un jeune enfant peut absorber cinq fois cette valeur, soit 0,17 µg par jour.

7Franz, R. ; Welle,F., Recycling of Post-Consumer Packaging Materials into New Food Packaging Applications-Critical Review of the European Approach and Future Perspectives. Sustainability 2022, 14, 824.

8Ici, la proposition de fixer la contamination génotoxique présumée à 0,5 mg/kg. Cela permettrait de refléter les données empiriques et de tenir compte de l'incertitude au sujet de la présence de substances génotoxiques en dessous de la limite de détection.

9Franz, R. ; Welle,F., Contamination Levels in Recollected PET Bottles from Non-Food Applications and their Impact on the Safety of Recycled PET for Food Contact. Molecules, 2020, 25, 4998.

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